Mais tout le monde s'en branle, de ta bienséance et de ta
petite personne bien-pensante ! De ton attitude un peu trop perfectionniste, de
ton application maniérée à alimenter instagram, à prendre soin des couleurs et
assortiments de tes vêtements. Personne ne veut savoir quelles publications
niaises tu as partagées dans ta grande condescendance sur Facebook. Tu ratures
à la règle ta petite écriture soignée dans un tintement de boucles d'oreille
presque jovial. Tu manges presque vegan, tu milites pour l'environnement et les
petits phoques, tu ne jettes rien dans la mauvaise poubelle et tu fréquentes
les friperies branchées (elles ne le sont pas à tes yeux, bien évidemment). Ton
rouge à lèvre ne s'étale que sur un sourire poli, figé et rigide. Tu te couches
tôt et tu es en couple depuis 5 ans avec le même type qui doit déjà s'imaginer
père de famille nombreuse avec un labrador. Je ne suis pas toi. Je sue,
j'écrase le bitume et les mégots à coups rageurs, je bois et baise jusqu'à plus
soif, et encore plus. Je me vautre et je gueule, je me baffre et je pars en
vrille. Je déforme tes petites moues de mes griffes en pensée. Je t'en veux
d'être bien comme il faut, tout comme il faut, rien que ce qu’il faut. Je veux
te voir hurler sans retenue, tes cheveux enfin emmêlés et en bataille contre ce
qui te retient de bouger à ta guise. Je te veux décharnée, haletante, lacérée
de ton mascara qui a coulé sur la poudre de tes joues. Tu t’accroches à mes pas,
ombre désespérément correcte, tu me juges à chaque reflet, chaque vitrine,
chaque flaque. J’aimerais cracher dans le miroir lorsque je te vois, réduire en
charpie ma façade. Mais je souris et continue ma route. Connasse.
Novembre 2018